La résurrection de saint Bonnet

À la mi-décembre 2014, un camion de livraison accrochait le câble d’alimentation électrique des illuminations installées sur la fontaine Saint-Bonnet. Le câble ne rompait pas, c’est la partie haute de la colonne trônant au milieu du bassin qui cédait et basculait, se brisant en plusieurs morceaux. Certains tombaient dans le bassin, d’autres sur la margelle et sur l’entourage en pavés de la fontaine, dont la tête de saint Bonnet.

La place Saint-Bonnet est un lieu très fréquenté avec ses trois commerces (boulangerie, boucherie, pharmacie) qui suscitent surtout en matinée, un va-et-vient automobile et piétons, important. En son centre, la fontaine, avec son filet d’eau permanent, son joli clapotis et son bassin rempli de poissons attire inévitablement les badauds, et notamment les enfants…

Fort heureusement ce matin-là, personne ne se trouvait à proximité immédiate de la fontaine et les dégâts ne furent que matériels : en l’occurrence, une fontaine décapitée et qui avait depuis, bien piètre allure.

La municipalité prenait la décision de refaire à l’identique la colonne de pierres, déjà fragilisée, avant l’incident, ainsi que la tête de saint Bonnet, qui avait elle-aussi subi les outrages du temps (fissures, éclats) et avait d’ailleurs été précédemment « recollée ».

La réfection de la colonne était confiée à l’entreprise locale Breysse des Plots, spécialiste de la pierre, tandis qu’Odile Rivière, artiste fabrassoune était chargée de sculpter la nouvelle tête de saint Bonnet.

En attendant l’exécution des travaux (qui ne revêtaient pas de caractère d’urgence, les artisans ont donc pris leur temps et soigné l’ouvrage), on s’était habitué à cette fontaine décapitée, devenue quelconque, sans élan, sans symbole… Seize mois d’attente, c’est long, mais le résultat est à la hauteur des espérances de chacun.

La semaine dernière, la fontaine Saint-Bonnet a retrouvé sa colonne de pierres, et nous l’avons redécouverte dans sa splendeur toute nouvelle. Avant sa décapitation, peu de gens remarquaient la beauté de l’édifice, l’harmonie de cette colonne taillée, en forme d’obélisque, s’élevant vers le ciel et surmontée d’un visage sculpté. Depuis sa réinstallation, la colonne fait l’admiration de tous…

Il faut dire que les frères Breysse ont fait du beau travail. Ils ont choisi une pierre de montagne résistante au gel, plutôt claire, en accord avec le vieux bassin. Chaque monolithe a été parfaitement taillé : le piédestal quadrangulaire immergé, un premier fût également quadrangulaire mais de forme pyramidale et aux angles biseautés, sur lequel repose une pierre circulaire moulurée d’où jaillit l’eau, puis un autre fût plus long et plus fin à huit faces, et enfin un chapiteau très simple. Sur ce chapiteau un petit bloc de pierre accueille la tête de saint Bonnet sculptée par Odile.

Place Saint-Bonnet, église Saint-Bonnet : la tête du saint sur la fontaine pour l’une, une statue du même personnage dans la nef pour l’autre. Qui est donc ce saint Bonnet, patron de la paroisse de Jaujac ?

Bonnet ou Bonet (du latin Bonitus), Auvergnat de naissance naquit vers 623 dans une famille d’anciens sénateurs romains. Il fit des études remarquables pour l’époque : grammaire, droit et sans doute rhétorique. Il se préparait ainsi à une carrière à la cour du roi. Il servit comme échanson de Sigisbert III et de Thierry III, puis devint préfet de Marseille (vers 677). Il géra cette ville avec beaucoup de douceur, s’opposant au commerce des esclaves. Il pratiquait un ascétisme sévère. Son frère saint Avit était alors évêque de Clermont. Se sentant près de sa fin, il demanda son frère comme successeur et obtint l’accord du roi pour cette nomination épiscopale. Avit mourut rapidement et Bonet devint évêque de Clermont vers la fin de 690. Il continua de vivre pauvrement en jeûnant plusieurs jours par semaine. Sa nomination par son frère lui causa des scrupules : il démissionne et se retire à l’abbaye de Manglieu dans le Puy-de-Dôme. Il entreprend le pèlerinage de Rome, au passage il passe par Lyon où il apaise un conflit entre l’évêque et le duc des Burgondes. Il poursuit son chemin jusqu’à Rome et la légende rapporte qu’en chemin il racheta de nombreux captifs pour les libérer. A son retour il s’installe à Lyon et y meurt vers 706. Son corps fut transféré à Clermont, d’abord à l’église Saint-Maurice vers 712, puis dans la nouvelle cathédrale en 1095. Bonnet est le patron des potiers, il est fêté le 15 janvier. Trente-neuf localités en France, principalement en Auvergne, sont placées sous son patronage.

A noter : Afin d’établir sa biographie, les historiens ont pu s’appuyer sur un document : la « Vita Sancti Boniti : La vie de Saint Bonnet » ouvrage écrit peu de temps après sa mort par un moine de Manglieu.

La fontaine St-Bonnet a retrouvé toute sa splendeur

La colonne

Détail du saint Bonnet, sculpté par Odile Rivière

La fontaine est un lieu de rencontres et d'usages divers: certains viennent y chercher de l'eau pour l'arrosage ou pour la boire (elle est non chlorée et a donc très bon goût, bien qu'elle soit non potable officiellement car non analysée), certains y lavent les légumes, d'autres donnent à manger aux poissons (dont on attend le retour)...Il y a toujours du monde autour de la fontaine

La mise en place de la nouvelle colonne par les artisans,tandis que le nouveau saint Bonnet attend son tour

La fontaine avant l’intervention des artisans : les employés communaux l’ont vidée, subsistent deux blocs de pierre que les maçons vont retirer

Privée de sa colonne : une fontaine sans charme

Décembre 2014, chute de la colonne de Saint-Bonnet et intervention des employés municipaux pour récupérer les morceaux, qui serviront de modèle afin de la refaire à l'identique

L'ancienne colonne de la fontaine Saint-Bonnet. On remarque que le fût central était composé de deux pierres d'hauteur presque égale, aujourd'hui la pierre inférieure est plus longue et une petite pierre soutient la tablette carrée.

Carte postale ancienne de la fontaine Saint-Bonnet et statue de saint Bonnet dans l'église